PETRARQUE

PETRARQUE

Après une conférence sur Dante, une autre sur Palladio, les Amis de Vicenza proposaient le samedi 5 février 2022 une intervention de Françoise Ferri sur Pétrarque. Une sorte d’exposé, en toute décontraction et très éloignée d’une approche scolaire. Un peu dans l’esprit du poète, en somme. Voici un aperçu de ce moment partagé où souffla son esprit.

–  La lignée des grands poètes italiens
Pétrarque est-il le plus grand ? Oui, sûrement, il a éclipsé Dante. Mais le premier poète italien était François d’Assise. Le premier poète naturaliste exprimant l’enthousiasme.

  •  Un esprit nouveau
    « Parle-moi de la beauté italienne. Ce qui plaît au monde n’est qu’un songe rapide. » Avec Pétrarque, nous sommes plus proches de la psychanalyse que de la scolastique. Si Pétrarque a été aussi adoré en Italie, c’est que Dante lui a ouvert la porte. Il a sorti la langue italienne de sa gangue gréco latine. C’est donc grâce à Dante qu’on a pu ouïr la langue italienne et en jouir. Pétrarque va profiter aussi d’un goût mutant. Une gens nuova arrive avec des idées neuves. La conscience, la force, la vertu constituaient les valeurs médiévales. Même Pétrarque dira « Je ne me lasse pas de servir. » Mais il va parler de tout autre chose. Au lieu de décrire, d’extérioriser comme l’a fait Dante avec La Divina Comedia, Pétrarque parle de ce qui se passe à l’intérieur, de nos tourments.

Les valeurs nouvelles qu’il porte sont la fécondité de l’erreur, la fécondité de l’échec, la nécessité de l’unité nationale. La nécessité d’arrêter la discorde. En France règne Philippe le Bel à cette époque. Nous avons très peu de poètes, à l’exception de Rutebœuf. « Que sont mes amis devenus, que j’avais de si près tenus et tant aimés ? Ils ont été trop clairsemés… » Nous quittons l’époque médiévale dans une accélération vers l’humanisme.

 

– Montaigne, Racine, Aragon… ? Pétrarque !
On pense souvent que Pétrarque est moins connu que Dante. « C’est grâce à la mienne mélancolie que je parviens à écrire et à agir. Eussé-je été pessimiste, j’eusse prolongé mon sommeil. Mais en pays italique, ce que je ne comprenais pas par l’intelligence, je l’ai compris par les sens, car nous, Français, mettons beaucoup d’énergie en de très petites choses… » C’est Montaigne ! Non, c’est Pétrarque. « Où sont les illusions du cœur intransigeant. Les courses de jeunesse… » On connaît ça. C’est Racine ! Non, c’est encore Pétrarque. « Je suis plein du silence assourdissant d’aimer. » Aragon ? « Et ma vie, pour vos yeux, lentement s’empoisonne. » Apollinaire. « Si mon mal se résigne, si jamais j’ai quelque or, choisirai-je le nord ? » Rimbaud ! Mais non, c’est toujours Pétrarque.

– La soif de liberté
« J’aime être libre, mais veux être captif. Plus je me pique et plus je suis rétif. Moi-même ne sais ce que je ne veux. » Alors que la France de cette époque ne fait que ferrailler, l’Italie sort de la gangue médiévale. Pétrarque, jusqu’à la dépression, en exprime la complexité. « J’ai l’image, je veux l’objet. J’ai l’objet, je veux l’image. » « Dès lors que je naquis sur cette rive-là de l’Arno, cherchant tantôt cette rive, tantôt l’autre, ma vie fut un long tourment…. » Pétrarque précède la Pléiade de deux siècles. « Je meurs de soif auprès de la fontaine…Le passé n’est jamais mort, il n’est même jamais passé non e anche morto… » Si les thèmes sont convenus, le passage du temps, l’amour, l’invective (« Les hommes sont des pleutres et les femmes sont des garces ») l’expression et la sensibilité sont nouvelles.

– Pétrarque en France
Dante a beaucoup Brocardé le pape. Boniface VIII le convoque, et malgré sa tête à la De Funès, l’excommunie. Pétrarque, lui, du même parti Guelfe blanc que Dante, va être banni. Il se réfugie en Provence, en Avignon, à Malaucène, Fontaine de Vaucluse… parce que Jeanne de France donne ces terres à l’Église. Il va beaucoup y écrire. Songez que Pétrarque va être couronné au Capitole, l’équivalent de notre prix Nobel, à 22 ans ! Tout le monde adhèrera à sa poésie. Il ne rentrera jamais en Italie.

–  Une pensée féconde et moderne
À la fécondité de l’erreur et de l’échec s’ajoute la nécessité de l’art, l’approche ambivalente, balancée et la multiplicité linguistique. La pensée de Pétrarque est plastique, à l’image des œuvres de Giotto et de Cimabue. En France, la peinture de Jean Fouquet est plus convenue. Pétrarque apporte un souffle de liberté. « Le passé n’est plus. Le futur pas encore et le présent languit entre vie et trépas. »

Paul Rassat   

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *